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Guy Môquet, symbole du courage


Il est un nom qui émeut plus que d’autres car il est passé dans l’histoire de France comme l’étendard du courage, de celui qui meurt pour sa patrie, pour un idéal, pour la défense des libertés … celui de Guy Môquet !


Il n’avait que 17 ans, et pourtant … un des symboles de la Résistance française !


Né le 26 avril 1924 dans le 18e arrondissement de Paris, d’une famille militante du parti communiste, il n’a guère eu le temps de vivre … il rencontre la mort le 22 octobre 1941, en pleine guerre aux côtés de 47 autres otages fusillés à Châteaubriant, Nantes et Paris. Il avait toute la fougue de la jeunesse : Élève au lycée Carnot, il militait déjà dans les rangs des Jeunesses communistes ; il aimait à écrire des poèmes, plaisait aux filles et excellait dans les sports.


Son père, Prosper Môquet est cheminot, syndicaliste et député communiste de 17e arrondissement de Paris ; son arrestation le 10 octobre 1939 suite à la dissolution du parti communiste français, le 26 septembre est pour lui, un évènement marquant qui vient renforcer son ardeur militante. Il prend sa plume et écrit même une lettre à Édouard Herriot, alors président de la Chambre des députés pour lui demander la libération de son père.


Mais il n’en reste pas là : lors de l’occupation de Paris par les Allemands et l’instauration du régime de Vichy, avec ses camarades de parti, il distribue des tracts et colle des papillons. Cette activité lui vaut d’être dénoncé et arrêté le 13 octobre 1940, alors qu’il n’a que 16 ans, au métro Garde de l’Est par la police française de la Brigade spéciale de répression anticommuniste. Interrogé sur ses activités, il ne décroche pas un mot tandis que ses amis Pignard et Granjean passent aux aveux. Mis en cause par ces derniers, il est incarcéré à la prison de Fresnes. Cependant, le 23 janvier 1941, il est acquitté comme ayant agi sans discernement, sans doute pour son si jeune âge. Mais tandis qu’il est confié à ses parents, il est conduit au dépôt de la Préfecture de police de Paris où il reste jusqu’au 10 février 1941. Pendant ce temps-là, il est enquêté, transféré à la maison d'arrêt de la Santé, puis, le 27 février 1941, à la centrale de Clairvaux. Enfin, le 14 mai 1941 il entre au camp de Choisel, à Châteaubriant, en même temps que 100 autres internés communistes. Placé dans la baraque 10, celle des jeunes, il se lie d'amitié avec Roger Sémat et Rino Scolari, un des responsables FFI au moment de la Libération de Paris.


Mais que s’est-il donc passé ?


Le 20 octobre 1941, Karl Hotz, commandant des troupes d'occupation est abattu à Nantes par un commando formé de trois communistes de l'Organisation spéciale et des Bataillons de la Jeunesse : Spartaco Guisco, Gilbert Brustlein et Marcel Bourdarias. Cet acte est qualifié de « terroriste » par les autorités allemandes d’occupation, compte tenu du grade élevé de l’officier abattu et s’octroient le droit de faire fusiller des détenus arrêtés par les autorités françaises et que 50 otages seront exécutés immédiatement en représailles.


Les services du ministre de l'Intérieur du gouvernement de collaboration de Pétain proposent une liste de 61 noms, des otages essentiellement communistes « pour éviter de laisser fusiller cinquante bons Français ». Sur les 27 fusillés de Châteaubriant, le nom de Guy Môquet n’apparaît pas et ce sont les Allemands qui le rajoutent. 48 otages sont fusillés : 16 à Nantes, 5 au fort du Mont-Valérien et 27 à Châteaubriant, dont Guy Môquet.


Les otages s’appuient aux poteaux, refusent qu’on leur bande les yeux et s'écrient : « Vive la France ! » devant le peloton d'exécution. Charles Michels, Jean-Pierre Timbaud et Jean Poulmarc'h avaient décidé d'aller à l'exécution dignement, en chantant La Marseillaise : « C'est ainsi, et ainsi seulement, que notre mort servira à quelque chose. » Guy Môquet est le plus jeune. Il est abattu à 16 heures. Avant d'être fusillé, il avait écrit une lettre à ses parents, dont voici le contenu :




Voici le texte de la dernière lettre du jeune résistant communiste Guy Môquet, fusillé par les Allemands le 22 octobre 1941.




"Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé,

Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable, je ne peux le faire hélas !

J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées ; elles pourront servir à Serge, qui, je l'escompte, sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée.


Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.


17 ans et demi, ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine.

Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, je vous embrasse de tout mon cœur d'enfant.


Courage !


Votre Guy qui vous aime"



Pour les nazis, cette exécution délibérée d’un tout jeune homme sert à montrer qu’ils sont impitoyables envers leurs ennemis. Mais abattre un si jeune militant a surtout pour effet de choquer la population française. L'abbé Moyon, qui avait accepté d'assister les prisonniers avant leur exécution, rapporte que Guy Môquet lui avait fait une confidence montrant qu'il était conscient de l'émotion que sa mort allait susciter : « Je laisserai mon souvenir dans l'Histoire, car je suis le plus jeune des condamnés ».




Le corps de Guy Môquet est tranféré au cimetière du Petit-Auverné à quinze kilomètres au sud. Même s’il est interdit d’approcher sa tombe et celle des autres fusillés, elles sont abondamment fleuries de bouquets de fleurs bleues, blanches et rouges (une couleur pour chacune des trois tombes, celle de Guy Môquet est au centre). Après la guerre, le corps du jeune homme est transféré au Cimetière du Père-Lachaise (division 97).




Selon Pierre-Louis Basse, Serge, le jeune frère de Guy Môquet, meurt quelques jours plus tard, de chagrin et de peur, déguisé en fille par sa mère qui tente d'échapper à la Gestapo. Selon la pierre tombale du caveau où il repose aux côtés de son frère et d'autres « héros et martyrs de la Résistance fusillés par les nazis », Serge Môquet est décédé le 19 avril 1944 à l'âge de douze ans et demi, « victime de la Gestapo ». Leur mère, Juliette, trouva la mort le 10 juin 1956 dans un accident de voiture, que conduisait son mari, Prosper.


Le 25 octobre, de Gaulle déclare à la radio : « En fusillant nos martyrs, l'ennemi a cru qu'il allait faire peur à la France. La France va lui montrer qu'elle n'a pas peur de lui. J'invite tous les Français et toutes les Françaises à cesser toute activité et à demeurer immobiles, chacun où il se trouvera, le vendredi 31 octobre, de 4 heures [16 heures] à 5."


Muni de tous ces témoignages, Nordmann traverse la France pour aller rejoindre Louis Aragon qui avait perdu le contact avec le parti. Aragon rédige Le Témoin des martyrs, un opuscule de quelques pages publié clandestinement aux Éditions de Minuit en février 1942 et qui fait rapidement le tour du monde.

Le 28 décembre 1944, le général de Gaulle signe le décret qui lui accorde la Croix de Guerre 1939-1945 et la Médaille de la Résistance ; le 9 février 1946, il est nommé Chevalier de la Légion d'honneur.




Après bien des controverses, il faudrait retenir ce que Maurice Druon a dit en octobre 2007 dans Le Figaro : « Reportons-nous à l'époque : ce qui était important, c'était de résister. Ce n'était pas de savoir si l'on était communiste ou gaulliste. Il n'est pas inutile de rappeler, de temps en temps, à de très jeunes gens qui l'ont sans doute oublié ou qui ne l'ont jamais su que s'ils vivent aujourd'hui en République, c'est grâce à des garçons comme Guy Môquet. »


En 2007, le jour de son investiture, lors d'une cérémonie au monument de la cascade du Bois de Boulogne, après avoir fait lire la dernière lettre de Guy Môquet par une lycéenne, le nouveau président annonce qu'il la fera lire dans tous les lycées du pays, en début d'année scolaire : « Un jeune homme de dix-sept ans qui donne sa vie à la France, c'est un exemple non pas du passé mais pour l'avenir».


Ce 19 septembre, en compagnie notamment du député socialiste Jean-Marc Ayrault, d'une centaine d'anciens combattants, Nicolas Sarkozy se déplace à Châteaubriant et rend hommage aux fusillés dont Guy Môquet.





Discours de M. Sarkozy pour les martyrs du bois de Boulogne


Voici l'intégralité du discours prononcé, le 16 mai 2007, par Nicolas Sarkozy, lors de la cérémonie d’hommage aux martyrs du bois de Boulogne:

"Mesdames et Messieurs,

Nous voici donc au Bois de Boulogne, en ce lieu tragique où 35 jeunes résistants furent fusillés par la Gestapo il y a 63 ans.

Massacre inutile, absurde, à quelques jours seulement de la libération de Paris alors que tout est joué. Ce n’est pas un acte de guerre. C’est un meurtre perpétré de sang-froid, un acte de vengeance.

Au moment même où ils sont exécutés, les 35 résistants capturés par traîtrise sont déjà des symboles. Ils le sont aux yeux mêmes de leurs bourreaux. Sur les visages des 35 martyrs dont beaucoup ont à peine 20 ans, les bourreaux lisent leur défaite désormais inéluctable et, ce qui leur est plus insupportable encore, la préfiguration d’un avenir où ils n’auront plus leur place. Ils ont trop tué. Ils ont trop de sang sur les mains. Ce ne sont plus des soldats, ce sont des assassins qui ne sont plus mus que par le seul instinct de mort et de destruction.

Ici en ce 16 août 1944, ces 35 jeunes Français qui vont mourir incarnent ce qu’il y a de plus noble dans l’homme face à la barbarie.

Ici en ce 16 août 1944 ce sont les victimes qui sont libres et les bourreaux qui sont esclaves. Les résistants sont jeunes. Ils vont mourir. Mais ce qu’ils incarnent est invincible. Ils ont dit " non ", " non " à la fatalité, " non " à la soumission, " non " au déshonneur, " non " à ce qui rabaisse la personne humaine, et ce " non " continuera d’être entendu bien après leur mort parce que ce " non " c’est le cri éternel que la liberté humaine oppose à tout ce qui menace de l’asservir.

Ce cri nous l’entendons encore.

Ce cri, je veux que dans les écoles on apprenne à nos enfants à l’écouter et à le comprendre.

Si nous voulons en faire des hommes et non de grands enfants, nous avons le devoir de leur transmettre à notre tour cette idée de l’homme que les générations passées nous ont léguée et au nom de laquelle tant de sacrifices ont été consentis.

Si j’ai tenu à faire ici ma première commémoration en tant que Président de la République, dans ce lieu où de jeunes Français furent assassinés parce qu’ils ne pouvaient pas concevoir que la France reniât toute son histoire et toutes ses valeurs, si j’ai tenu au premier jour de mon quinquennat à rendre hommage à ces jeunes résistants pour lesquels la France comptait davantage que leur parti ou leur Église, si j’ai voulu que fût lue la lettre si émouvante que Guy Môquet écrivit à ses parents à la veille d’être fusillé, c’est parce que je crois qu’il est essentiel d’expliquer à nos enfants ce qu’est un jeune Français, et de leur montrer à travers le sacrifice de quelques-uns de ces héros anonymes dont les livres d’histoire ne parlent pas, ce qu’est la grandeur d’un homme qui se donne à une cause plus grande que lui.


Je veux par ce geste que nos enfants mesurent l’horreur de la guerre et à quelle extrémité barbare elle peut conduire les peuples les plus civilisés.


Souvenez-vous, enfants de France, que des hommes admirables ont conquis par leur sacrifice la liberté dont vous jouissez. Mais souvenez-vous aussi que la guerre est terrible et qu’elle est criminelle. Puissions-nous faire que dans le monde que nous vous laisserons le risque de voir triompher cette barbarie ait disparu.

Que le souvenir du grand crime que nous commémorons aujourd’hui vous pousse à œuvrer pour la paix entre les hommes.


Qu’il vous fasse comprendre que pour mettre fin au cycle éternel du ressentiment et de la vengeance il a fallu construire l’Europe.


Qu’il vous fasse comprendre pourquoi la réconciliation franco-allemande fut une sorte de miracle, et pourquoi rien jamais ne doit conduire à sacrifier l’amitié qui après tant d’épreuves lie désormais le peuple français et le peuple allemand.


Enfants de France, soyez fiers de vos aînés qui vous ont tant donné, et soyez fiers de la France au nom de laquelle ils sont morts. Aimez la France comme ils l’ont aimée, sans haïr les autres.


Aimez la France parce que c’est votre pays et que vous n’en avez pas d’autre.


Vive la République ! Vive la France !"





À la station de métro portant son nom, le 22 octobre, la RATP distribue aux voyageurs des dépliants consacrés aux stations de métro liées à la Résistance. Une vidéo est projetée sur deux écrans et des affiches sur Guy Môquet sont exposées. Son ultime lettre est lue en présence du secrétaire d'État aux transports Dominique Bussereau et du président de la RATP.


C’est le Le 22 octobre aussi qu’un timbre-poste à partir d'une photographie de Guy Môquet et un document philatélique sont émis, en plus d’un court-métrage de deux minutes trente, « La Lettre », réalisé par François Hanss et mettant en scène Jean-Baptiste Maunier dans le rôle de Guy Môquet.


Après diverses polémiques, depuis 2009, la lecture de la lettre de Guy Môquet est obligatoire dans les lycées, consacrant ainsi cette journée de commémoration à la jeunesse résistante.



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