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Le racisme, une question d'éducation


Aujourd’hui, 21 mars, c’est la Journée Internationale contre la discrimination raciale. C’est une de celles qui nous percent le cœur car qui dit commémoration, dit qu’il existe des dossiers que nous n’avons toujours pas classés. De la même façon que nous célébrons le 8 mars, la Journée consacrée à la femme, non pas pour lui rendre hommage mais pour remuer les consciences que dans notre monde, subsistent encore les inégalités en tant que citoyenne et dans beaucoup de cas, la torture sous toutes ses formes, nous ne pouvons nous abstraire et tourner le dos à ce qui représente la honte commune à tous les pays : le racisme !


Ce qui nous occupe aujourd’hui, c’est la mémoire de notre propre humanité. Pourquoi ce terme « racisme » existe-t-il, quelles en sont les causes et comment faire pour y remédier ? Je vous propose de remonter dans le temps pour savoir ce qui est dit exactement sur le concept de races pour mieux comprendre ce qu’on nous a inculqué au fil de l’histoire.


Depuis que les scientifiques se sont intéressés à l’homme et ses origines, plusieurs tentatives de classification humaine ont été élaborées. Le concept de « races d’hommes » est né avec François Bernier, médecin français qui, en 1684, a donné une première classification selon laquelle chaque continent avait son propre type d’homme. Cependant, ce ne sera qu’en 1758 que Carl Von Linné, naturaliste suédois, dressera dans son recueil « Systema Naturae », une classification de l’Homo Sapiens en quatre variétés, desquelles l’homme blanc (Homo europaeus) sera en haut de l’échelle et l’homme noir (Homo afer) y sera en bas.


Nous assistons donc au début de ce qu’on appelle le racisme scientifique, celui qui pontifie et déduit à partir d’une toute première inexactitude. Non seulement, il classe les hommes selon la couleur de leur peau mais ce qui est plus surprenant, c’est qu’il en définit des attitudes propres (colérique et droit pour ceux du continent américain ; sanguin et musculaire pour les Européens ; mélancoliques et rigides pour les Asiatiques ; flegmatiques et décontractés pour les Africains) comme si les individus de chaque continent pouvaient donner des signes particuliers de caractère selon leur lieu de résidence. Un contresens de la pensée dite scientifique qui insulte l’intelligence de tout être cohérent !


S’ensuivra la théorie de Johann Friedrich Blumenbach, anthropologue et biologiste allemand qui définira la notion de race dite dégénérationniste, selon laquelle nous provenons tous d’une seule souche et que nos différences ne se doivent qu’à des modifications climatiques progressives et réversibles. Il proposera de diviser l’espèce humaine en cinq variétés de races : la caucasienne ou blanche, la mongole ou jaune, la malaise ou marron, la nègre ou noire et l’américaine ou rouge.

Cependant, après plusieurs traités sur les races humaines publiés en 1788 par Emmanuel Kant, philosophe allemand, il reviendra sur ses positions et admettra que certains phénotypes pourraient être irréversibles. Selon Kant, l’espèce humaine serait à l’origine pourvue de « germes » susceptibles d’être activés par un climat ou un autre afin de s’y adapter, ce qui confirmerait pour lui le mécanisme qui déclencherait le concept de races de l’espèce humaine, tout en étant convaincus tous les deux, de son unité.


Ce ne sera que deux cents ans plus tard que la biologie moderne démontrera que l’espèce humaine a une origine monophylétique.


Si l’on regarde dans le dictionnaire Larousse ce que veut dire les termes « espèce » et « race », il est dit et je cite : « « Espèce » est l’ensemble d’individus animaux ou végétaux semblables par leur aspect, leur habitat, féconds entre eux mais ordinairement stériles avec tout individu d’une autre espèce ; « Race » est la subdivision de l’espèce humaine en Jaunes, Noirs et Blancs selon le critère apparent de la couleur de la peau. – Catégorie de classement biologique et de hiérarchisation de divers groupes humains, scientifiquement aberrante, dont l’emploi est au fondement des divers racismes et de leurs pratiques. La diversité humaine a entraîné une classification raciale sur les critères les plus immédiatement apparents : leucodermes (Blancs), mélanodermes (Noirs), xanthodermes (Jaunes). Les progrès de la génétique conduisent aujourd’hui à rejeter toute tentative de classification raciale ».

Aujourd’hui même, Le professeur André Langaney, de l’université de Genève (département de Génétique et Évolution, Unité d’Anthropologie) et ancien directeur du Laboratoire d’Anthropologie du Musée de l’Homme nous dit : « La diversité du monde animal, puis, plus tard, celle des humains et de leurs cultures, ont été à l’origine de mes motivations et questionnements scientifiques. Ayant reçu une double formation en mathématiques et en biologie, j’ai eu la chance de participer, dès ses débuts, à l’aventure de l’introduction de l’informatique en biologie. Le nouvel outil permettait soudain une multitude de recherches en génétique des populations et en biométrie, qui n’étaient pas possibles auparavant. Il permettait de gérer et utiliser les bases de données énormes apportées par la génétique moléculaire, puis par la génomique, de modéliser les mécanismes évolutifs dans les populations et la circulation des gènes dans les réseaux généalogiques ou phylétiques, d’exploiter statistiquement les données quantitatives en biométrie et épidémiologie. L’application de ces méthodes à la diversité et à l’histoire des peuplements humains a inversé totalement les paradigmes de l’anthropologie « physique » en démontrant l’origine commune récente de l’ensemble des populations humaines actuelles, l’inconsistance génétique et biométrique des classifications raciales et une hétérogénéité si considérable de toutes les populations qu’elle rend toute modélisation « typologique » inadéquate. »


Par conséquent, quand nous entendons encore aujourd’hui le concept de races humaines comme s’il en existait plusieurs, nous ne pouvons qu’en déduire que nous continuons à être influencés par toutes les anciennes théories. Malheureusement, nombreux sont les secteurs qui se nourrissent de ces propos pour donner une base scientifique à leur rejet des autres. Mais pourquoi n’admettent-ils pas ce que la science moderne a démontré ?


Sans doute parce que le racisme est universel et qu’il trouve sa source principale dans la peur de l’autre. Rappelons-nous les sombres pages des livres d’histoire …


L’antisémitisme est né au Moyen-âge ; les Juifs ont été victimes d’une persécution due à la religion et au fait qu’ils étaient les premiers marchands lors de la mise en place du commerce entre l’Orient et l’Occident ; ils ont été chassés de la Péninsule Ibérique ; le XXe siècle a assisté à leur quasi extermination durant la seconde guerre mondiale : des millions de morts dans les camps de concentration aux mains du nazisme le plus féroce ! Ce fut le dégoût d’un régime fasciste contre un peuple qui était considéré comme un fléau qu’il fallait anéantir à tout prix car il existait une race supérieure, la race arienne, la seule qui devait dominer le monde ! De combien de haine sommes-nous capables, n’est-ce pas ?

Le racisme contre les Noirs est né, d’autre part, de leur différence physique. Pour les hommes du XVIe siècle, un Noir ne pouvait pas être un homme. C’est pourquoi ils ont été utilisés comme esclaves et considérés comme des bêtes malgré les protestations de nos penseurs. On a été jusqu’à les parquer dans des sortes de zoos pour les présenter comme des spécimens d’une espèce sauvage différente de la nôtre ! Le colonialisme, le Ku Klux Klan, la séparation des Blancs et des Noirs dans tous les secteurs de la société nous laissent une marque de honte au fer rouge. En contrepartie, la lutte infatigable des hommes tels que Nelson Mandela ou Martin Luther King contre la ségrégation nous ont donné la force de continuer à croire qu’il est possible de changer ce monde de soumission des uns aux autres.


Martin Luther King


À la fin des années cinquante, on apprenait à l’école qu’il y avait quatre races humaines, la blanche apparaissait bien sûr comme idéale ! Tout cela étant basé sur de fausses théories car on sait maintenant qu’il n’y a pas de races humaines mais une espèce composée d’individus tous différents. Quant au racisme anti-arabe, il tiendrait ses origines de la guerre d’Algérie par laquelle les Algériens conquirent leur indépendance. Puis il y a eu amalgame entre les Algériens et les autres Maghrébins ; les immigrés en général, quelle que soit leur origine, souffrent du racisme : il suffise que l’on ne soit pas originaire du pays où on habite pour être regardés avec méfiance et dédain.


En général, nous pouvons dire que le racisme se manifeste de bien des façons : lors de guerres entre les peuples, de crises sociales et politiques, de petits incidents dans la vie quotidienne, de mauvaises blagues et d’insultes dans la cour d’école. Les stéréotypes existent et définissent des idées, des images ou des jugements fixes attribués à des groupes de personnes. Ils se forment à partir d’une perception gratuite et d’un jugement inspirés par certains comportements. Les médias alimentent ces jugements racistes dans la répétition d’images et de situations. Les films renforcent ces schémas en présentant les minorités ethniques comme les méchants. Certains journalistes font l’association entre immigrants et criminalité. Les caricatures versent beaucoup de bile dans les publicités, les magazines ou les programmes soi-disant comiques.

En somme, quelles qu’en soient les causes directes, le racisme se fabrique à partir de la haine et le rejet et trouve toujours son origine dans la peur de l’autre et dans l’ignorance. Être raciste, c’est croire qu’il existe différentes races et que certaines sont supérieures à d’autres. Des courants idéologiques l’affirment pour justifier une domination ou une persécution, dans un but économique, politique, religieux ou social.


Globalement, nous avons souvent du mal à accepter nos différences. Nous avons peur de l’inconnu, nous cherchons à éviter ce que nous ne comprenons pas. C’est pourquoi nous avons tendance à rejeter celui qui est différent, l’étranger, car sa langue, ses coutumes sont incompréhensibles.


Pour commencer à lutter contre nos réflexes racistes et xénophobes, il faut aller vers les autres, faire l’effort de rencontrer son voisin, s’intéresser à sa vie, à ses préoccupations, apprendre à le connaître. Ainsi, on se rend compte que malgré nos différences, il est « comme nous ».


Connaître le plus de monde permet de ne pas généraliser nos jugements, c’est-à-dire ne pas s’imaginer que des personnes qui ont la même apparence, la même religion, le même métier, le même âge … ont forcément les mêmes défauts ; et que ceux qui n’ont pas notre apparence, religion, métier ni âge sont forcément contraires à nous. Voyager nous ouvre sur le monde et nous enrichit.


Bien d’autres hommes et de femmes ont sillonné notre histoire de la lutte contre le racisme et il faudrait ne pas oublier trois figures emblématiques : Il s’agit de Victor Schoelcher, Anténor Firmin et Émile Zola. Le premier a aboli l’esclavage en France en 1848 ; le second a publié son livre « De l’égalité des races humaines » contre ceux qui voulaient justifier scientifiquement le racisme ; le troisième a écrit « J’accuse… !» pour dénoncer l’antisémitisme dont était victime le capitaine Dreyfus.

Anténor Firmin

Victor Schoelcher

Émile Zola

Tant de noms connus et inconnus nous inspirent pour tenter de vivre en paix. Car le racisme provoque des réactions d’intolérance, de manque de respect ou d’hostilité envers des gens différents de soi, par leur origine géographique, ethnique, culturelle ou sociale. Tout le monde peut devenir victime de racisme ou de préjugés. Ça nous concerne tous, personne ne peut dire qu’il soit épargné !


Combattre le racisme, ce n’est pas l’élimination des différences, car tout le monde est différent !; c’est l’ouverture, la compréhension, le respect et l’acceptation des différences, de l’histoire, de la culture, de l’intégrité de l’autre.


Il est un nom connu de tous pour être célèbre dans le monde du sport, qui mérite une place d’honneur dans l’éducation contre le racisme : celui de Lilian Thuram. Il a fondé en 2008 une association dont je vous laisse ici les objectifs :

Lilian Thuram

« Contre le racisme, il faut éduquer


On ne naît pas raciste, on le devient. Cette vérité est la pierre angulaire de la Fondation Éducation contre le racisme. Le racisme est avant tout une construction intellectuelle. Nous devons prendre conscience que l’Histoire nous a conditionnés, de génération en génération, à nous voir avant tout comme des Noirs, des Blancs, des Maghrébins, des Asiatiques …


Nous souhaitons transmettre cet enseignement, avec des supports pédagogiques, organiser des activités et des événements, et inculquer ces valeurs par l’intermédiaire des parents, de l’école et du sport.


Désapprendre et apprendre ; désapprendre et enseigner :


Il est important de comprendre comment nos préjugés se sont mis en place pour pouvoir les déconstruire. Nos sociétés doivent intégrer l’idée pourtant simple que la couleur de la peau ou le genre d’une personne ne détermine en rien son intelligence, la langue qu’elle parle, la religion qu’elle pratique, ses capacités physiques, ce qu’elle aime ou déteste. Chacun de nous est capable d’apprendre n’importe quoi, le pire comme le meilleur.


Égalité :


Nous appartenons toutes et tous à une même famille.

Tous les êtres humains ont les mêmes caractéristiques : une silhouette, un nom, une couleur de peau.

C’est pourquoi notre logo reprend uniquement ces trois éléments. Il les combine pour les rendre indissociables et illustrer le fait qu’en dépit des différences que nos ancêtres nous ont enseignées, dans la réalité, nous avons tous une origine commune.


Singularité :


Chaque personne est unique. Elle a un corps et une couleur de peau qui la rend unique, par rapport aux autres personnes à travers le monde.

Le logo de la Fondation ne représente pas le visage de son fondateur, Lilian Thuram. C’est la synthèse d’un ensemble de silhouettes, de noms et de couleurs. Cela doit nous aider à nous rappeler que la classification raciale est absurde, car les différences entre les humains se situent essentiellement au niveau de l’individu, et non à celui des populations.


Éducation :

Éradiquer le racisme.

Voilà l’objectif principal de la Fondation Lilian Thuram et voilà pourquoi nous luttons, chaque jour. Ainsi, la Fondation Lilian Thuram, ce n’est pas seulement un logo : c’est surtout un message, un message destiné à faire disparaître le racisme.


Hommage :


En hommage à Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King, Rosa Parks et à Mère Teresa, de Calcutta.

La Fondation Lilian Thuram s’inspire de leur persévérance, de leur abnégation et des causes que ces personnes ont défendues. Leur histoire et leur comportement constituent le socle de la Fondation. C’est pour cela que l’une des silhouettes du logo reprend ces cinq grands noms. Jamais nous ne devons les oublier, ni les progrès pour l’humanité auxquels ces grands noms sont désormais liés."




Un grand merci à Monsieur Thuram et sa fondation pour nous aider à nous comprendre et nous aimer dans notre diversité. Apprendre à nous respecter et à accepter que chacun de nous, quel qu’il soit et où qu’il soit, fait partie de la grande famille de l’humanité.




Je terminerai par reprendre un texte d’une association bénévole « Récré-Action, le Pingouin citoyen du mercredi matin: Le Journal de Victor », paru le 23 mai 2001, dans son numéro 12 et qui dit :


« Victor est émerveillé et en même temps soucieux :

« Nous sommes tous différents. Je suis différent de toi, tu es différent de moi. Il y a des gros, des maigres, des petits, des grands. Il y en a qui ont de grandes oreilles, d’autres des nez petits ou épatés. Certains ont les yeux bleus, d’autres verts, d’autres marron ou noirs. Il y a des blonds, des roux, des bruns. Certains ont la peau noire et blanche, comme moi, d’autres sont bronzés, d’autres rougissent au soleil. Il y en a qui sont nés sur la banquise, d’autres en Europe, d’autres en Afrique ou en Asie. Il y a des coléreux, des souriants des jamais contents, des paresseux, des courageux. Il y a des gourmands, des curieux. Certains aiment la musique, d’autres lisent ou regardent la télévision pendant que d’autres font des bêtises. Il y a des riches, des pauvres, des qui croient en dieu, d’autres pas. Il y a des enfants qui vont à l’école pendant que d’autres sont malades ou travaillent.

Bref, nous sommes tous différents, tous uniques. Chacun naît avec des caractéristiques qui lui sont propres, chacun grandit dans ses coutumes, chacun apprend la langue de ses parents et s’enrichit des contacts avec les autres. C’est que nous sommes tous semblables : nous naissons, nous vivons, nous jouons, nous dansons, nous chantons, nous pleurons, nous rions. Tous nous aimons, nous pensons, nous imaginons, nous rêvons d’être heureux.

Et tous nous souffrons quand d’autres se moquent de nous, nous rejettent et nous méprisent à cause de notre différence. »

Victor et Madeleine »


L'origine des Espèces de Darwin

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